mercredi 27 janvier 2016

Entretien avec M. l'abbé Ndong Ondo (janvier 2016)

M. l'abbé Ndong, résidant au Gabon, à Libreville, l'un des deux ou trois prêtres de la Résistance à Afrique, a bien voulu nous accorder cet entretien au blog Reconquista, qui a ainsi la joie de faire connaître l'un de ces courageux prêtres de la Résistance.  [Nous publierons prochainement des photos de la mission de Libreville]
Nous l'en remercions vivement.
[entretien exclusif pour Reconquista, merci de mentionner la source pour toute publication ou traduction]
Abbé Pierre Célestin Ndong Ondo

Télécharger la version papier de l'entretien sans photos
télécharger la version papier de l'entretien avec les photos de la mission
[Ces liens renvoient à une version corrigée le dimanche 31 janvier.]

Reconquista: Monsieur l'abbé, un grand merci d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs, dont beaucoup ne vous connaissent pas ?
abbé Ndong Ondo: Je suis né à Libreville au Gabon en 1974. Je suis entré au séminaire de Flavigny en France en 1995 et en 2001, j’ai été ordonné prêtre à Ecône en Suisse. De 2001 à 2003, j’ai exercé mon ministère en France, puis en Belgique de 2003 à 2007. Ensuite encore un an en France avant de passer trois ans aux Etats-Unis. Je suis revenu au Gabon en 2011 et j’y exerce mon ministère depuis cette année.

R: Votre nom apparaît pour la première fois dans les prêtres de la Résistance vers novembre 2013, dans une conférence de l'abbé Chazal. Vous apparaissez ensuite au nombre des signataires de l'Adresse aux Fidèles. Pourriez-vous nous préciser les circonstances et les motifs qui vous ont décidé à quitter la FSSPX ?
A. N.O. : Mon départ de la FSSPX est dû à deux causes que j’estime inséparables : une fausse notion de l’autorité et la nouvelle orientation prise par les autorités de Menzingen.
D’abord, une fausse notion de l’autorité. Je connais la FSSPX depuis 1987. J’étais alors au Gabon et je fréquentais la FSSPX comme simple fidèle. Je suis devenu membre de la FSSPX en 1996. Je suis devenu prêtre de cette même FSSPX en 2001. J’en ai été exclu ou je l’ai quittée en 2012. Depuis 1987, et encore plus depuis mes années de séminaire et plus encore depuis 2001, j’ai remarqué qu’il existe une fausse notion de l’autorité au sein de la FSSPX. Cette fausse notion consiste à dire que l’autorité au sein de la FSSPX a toujours raison et que par conséquent, elle ne peut être critiquée ; elle doit toujours être obéie. Cette fausse notion est répandue à tous les niveaux et se manifeste notamment par le recours à la fameuse et fumeuse grâce d’état des supérieurs. Je me suis toujours opposé à une telle notion et cela m’a valu d’être étiqueté rebelle par les supérieurs de la FSSPX. En effet, pour eux, quiconque critique un supérieur est automatiquement rebelle. Ma rébellion devait tôt ou tard entraîner mon exclusion ou mon départ de la FSSPX. Il était clair que je ne pouvais pas rester indéfiniment dans une structure infestée par une si fausse notion de l’autorité.
Ensuite, la nouvelle orientation des autorités de Menzingen. Cette nouvelle orientation consiste dans le fait que les autorités de Menzingen ont décidé de signer un accord purement pratique avec les autorités de Rome. J’ai commencé à remarquer cette nouvelle orientation avec l’élection de Benoît XVI en 2005. Cette nouvelle orientation m’est apparue plus claire avec les Te Deum pour le désastreux Motu Proprio de juillet 2007. Et encore plus claire avec les scandaleux Te Deum pour le décret levant les excommunications de janvier 2009. A la suite du Priests’meeting de 2009, j’ai enfin compris que les autorités de Menzingen voulaient un accord purement [pratique] mais elles n’osaient pas le dire clairement craignant une scission de la FSSPX. En décembre 2010, j’ai écrit à Mgr Fellay pour lui dire mon sentiment sur le Motu Proprio, le décret levant les excommunications. Sa réponse, via son Secrétaire général, a été grosso modo : « Vous êtes un orgueilleux et je vous soupçonne d'avoir une volonté de révolte » Cette réaction ne m’a pas étonné car je savais que les supérieurs de la FSSPX, Mgr Fellay en tête, étaient imbus d’une si fausse notion de l’autorité. Il était alors clair pour moi que mon temps au sein de la FSSPX était compté : tôt ou tard, je devrais la quitter ou en être exclu.
Dans mon esprit, la fausse notion et la nouvelle orientation sont inséparables et expliquent que tôt ou tard, je devais quitter la FSSPX ou en être exclu : c’était tout simplement inévitable. C’est pourquoi, à mon retour des Etats-Unis en mai 2011, je me suis mis en retrait de la FSSPX en restant chez mes parents. Enfin en août 2012, j’ai reçu ma lettre d’exclusion de la FSSPX. Officiellement, je devenais alors un prêtre isolé mais pratiquement, je l’étais depuis 2011.



R: vous exercez votre ministère au Gabon, donc dans le district d'Afrique de la FSSPX. Ce dernier est réputé assez conservateur. Cette impression est-elle réelle, ou bien ce district suit-il exactement comme les autres la libéralisation rapide de la FSSPX ?

A. N.O. : Depuis mon retrait de la FSSPX en 2011, je n’ai plus de contact avec mes anciens confrères ; je ne sais donc pas ce qui se passe dans le district d’Afrique de la FSSPX. D’après des échos que je reçois de temps en temps, il semble que les prêtres de ce district suivent silencieusement la nouvelle politique de Menzingen.


R: Elargissons notre perspective: il a pu sembler qu'un certain conservatisme régnait également dans l'Eglise conciliaire en Afrique: certains prélats se sont fortement élevés contre le synode (certes au nom de principes au moins contestables), on a pu entendre dans des chapelles que des réformes conciliaires n'étaient mises en place que maintenant... Qu'en est-il vraiment ?
A. N.O. :L’Eglise conciliaire en Afrique est conservatrice dans son ensemble car les sociétés africaines sont conservatrices. Cependant les réformes conciliaires sont bel et bien appliquées partout en Afrique mais l’application est plutôt conservatrice. Il me semble que l’Eglise conciliaire en Afrique a deux spécificités : le syncrétisme et la violation habituelle du vœu sacerdotal de chasteté. Le syncrétisme signifie que les fidèles de l’Eglise conciliaire pratiquent et le catholicisme conciliaire et les rites ancestraux africains. Il n’est pas rare de voir même des prêtres pratiquer ces rites de leurs ancêtres. La deuxième spécificité est la violation habituelle du vœu sacerdotal de chasteté. Il n’est pas rare de voir des prêtres qui violent ouvertement et habituellement leur vœu sans être inquiétés par qui que ce soit. Et cela commence la plupart du temps dès leur séminaire.

R: Comme durant l'après concile, la Résistance Catholique peine un peu à se structurer et est encore assez faible dans certains pays, comme ceux du continent africain. Quelles perspectives envisagez-vous pour l'ensemble de la Résistance catholique dans le monde ?
A. N.O. : Je pense que le temps joue en faveur de la Résistance Catholique et que nous devons apprendre à être patients. Nous devons tirer les leçons du passé pour ne pas faire les mêmes erreurs et pour améliorer et conserver tout ce qui a été bien fait. Il est normal que la Résistance Catholique se structure peu à peu. En effet, les choses de Dieu se font lentement, presque de manière imperceptible. J’ai cependant deux grandes craintes : l’impatience des uns et des autres ; la survivance d’une fausse notion de l’autorité.
  • L’impatience de vouloir tout avoir comme avant, comme lorsque nous étions au sein de la FSSPX ou que nous la fréquentions. Cette impatience nous amènera à faire beaucoup d’erreurs par précipitation et par orgueil. Mais l’impatience aussi de vouloir une fin à la crise ; c’est le danger de rêver d’un accord possible avec les autorités romaines actuelles. Il ne faut pas croire que ce danger ne nous guette pas.
  • La survivance d’une fausse notion de l’autorité. La cause profonde de la crise dans l’Eglise est la crise de l’autorité : la révolution est imposée par l’autorité. Si nous ne comprenons pas cela, nous risquons de répéter les erreurs des conciliaires et de Menzingen qui abusent tous les deux de leur autorité. Dans la Résistance Catholique, il ne faudrait pas supprimer l’autorité ni la déformer comme le font les conciliaires et Menzingen.
Si la Résistance Catholique arrive à éviter ces deux écueils, je crois que les perspectives sont bonnes.



R: Quelles sont les perspectives pour votre apostolat au Gabon, et pour la Résistance en Afrique ?
A. N.O. : Je pense que les perspectives sont bonnes au Gabon et en Afrique. Nous sommes seulement freinés  par le nombre de prêtres et par l’insuffisance des moyens matériels.
A ma connaissance, nous ne sommes que deux prêtres de la Résistance [le second prêtre est le père Jean Bosco Ohadugba au Nigeria, Note de Reconquista] pour toute l’Afrique : c’est largement insuffisant. Au Gabon, je suis seul mais il y a du travail pour plusieurs.
Enfin, les moyens matériels que nous avons sont dérisoires. Par exemple, je ne dispose pas d’un véhicule 4WD pour pouvoir circuler sur les routes et rues défoncées de Libreville et du reste du pays. Dernier exemple, la quête du dimanche est en moyenne de 5000 F CFA soit environ 8 euros pour 30 à 40 fidèles. Il faut savoir qu’un véhicule 4WD d’occasion coûte 8500000 F CFA soit environ 13000 euros. Nous sommes donc très handicapés par la faiblesse de nos moyens.



R: Les Français [et Européens NdR], noyés dans le matérialisme occidental, aiment à entendre les descriptions de missions. Pourriez-vous nous décrire un peu votre apostolat ?
A. N.O. : Mon apostolat est très simple : messe dominicale toujours à 11h ; catéchisme le samedi (trois groupes qui totalisent 11 enfants) ; dans la semaine, je peux recevoir des fidèles pour des entretiens spirituels. C’est un apostolat en somme très classique.

Par contre, ce qui est spécial concerne tous les cas de sorcellerie : mauvais rêves, maris ou femmes de nuit, bruits anormaux dans la maison, maladies mystérieuses résistant à tous les traitements médicaux, présence de fétiches de toutes sortes, mauvais sorts, etc. La sorcellerie agit quotidiennement et en tout lieu : maison, champ, travail, école, etc. La lutte contre la sorcellerie pourrait donc occuper un prêtre à plein temps. Les personnes qui viennent me voir pour ces cas de sorcellerie ne sont pas des fidèles mais elles me sont présentées en général par des fidèles.
Voici un exemple d’une de mes interventions contre la sorcellerie. Les faits se sont passés il y a environ 3 ou 4 ans. Une fidèle me présente une dame qui se plaint de problèmes de sorcellerie. Son défunt mari était un guérisseur. Il possédait de nombreuses amulettes avec lesquelles il guérissait ceux qui venaient à lui. Cette dame, catholique de religion, aidait cependant son mari dans ses pratiques. A la mort de son mari, elle s’est retrouvée héritière de toutes ses amulettes mais elle ne voulait pas en faire usage. Plus les jours passaient, plus elle était en butte à des phénomènes étranges : mauvais rêves, bruits étranges, sommeil agité. Les amulettes se manifestaient en fait à elles en lui demandant de s’en servir comme le faisait son mari. Je lui ai expliqué que la solution consistait à brûler toutes ces amulettes et à bénir sa maison pour que la paix y revienne. Cette dame habitait dans un quartier de Libreville mais l’accès n’était pas simple. J’ai dû garer ma voiture à environ 500 mètres de sa maison et faire le reste du trajet à pied car la rue qui y menait était tout simplement impraticable pour un véhicule bas comme le mien. Comme prévu, j’ai mis le feu à toutes les amulettes et toutes ces choses ont brûlé pendant une bonne demi-heure. Puis j’ai béni sa maison et depuis la paix y est revenue. J’ai un autre cas similaire dans une petite ville (Ntoum) à 40 kms de Libreville et je devrais y intervenir le mois prochain (février).

Le matérialisme ambiant en Occident ne croit pas à ces choses mais il suffit d’être au contact des réalités gabonaises pour se rendre compte que ces choses sont le quotidien des gabonais.


R: Avant de conclure, quel message et quels conseils donneriez-vous aux fidèles de la Résistance éparpillés dans le monde, parfois éloignés des centres de messe, et qui sont assez isolés ?
A. N.O. : Mon message à tous les fidèles de la Résistance est celui des Evangiles : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui sera sauvé. » Nous devons persévérer sans jamais nous décourager et alors viendra la récompense et le repos mérité.

Mon conseil est de faire usage de tous ces moyens qui nous permettent de persévérer : la prière quotidienne, la confession de la foi, la pratique des commandements et la fréquentation des sacrements dans la mesure du possible. A ceux qui sont éloignés des centres de messe, je conseille de faire des réunions de prières chaque dimanche comme dans les missions lorsque le prêtre ne peut pas être présent. A ceux qui sont isolés, je conseille fortement de garder le contact avec la Résistance à travers internet.

La prière quotidienne est toujours possible que nous soyons seuls, isolés ou en groupe. Sans prière, la persévérance est une chimère. La confession de la foi est également possible que nous soyons seuls, isolés ou en groupe. Il faut confesser la foi chaque fois que cela est requis par les circonstances. Sans cette nécessaire confession de la foi, la persévérance est impossible. La pratique des commandements peut être difficile mais elle est toujours possible à tous et à chacun de nous. Cette pratique nous fait grandir dans la sainteté, sainteté qui nous assure la persévérance dans le bon combat. Enfin la fréquentation des sacrements dans la mesure du possible. Le désir de recevoir les sacrements est très sanctifiant même si nous ne pouvons pas les recevoir dans l’immédiat. Ce désir nous donne des grâces analogues à celles que donne le sacrement lui-même.

Enfin, ne négligeons pas l’internet qui nous permet d’être informés de ce qui se passe dans la Résistance à travers le monde.




R: Le mot de la fin ?
A. N.O. : Je tiens à vous remercier pour vos questions et pour votre apostolat à travers internet. Soyons humbles, n’ayons pas peur d’être pointés du doigt, n’ayons pas peur de devoir recommencer à zéro. N’oublions pas que l’Eglise a commencé avec une poignée de personnes et dans un monde très hostile : l’empire romain païen et persécuteur.


R: Monsieur l'abbé, soyez à nouveau remercié de nous avoir accordé cet entretien, qui nous l'espérons, fera mieux connaître votre apostolat gabonais.