samedi 9 janvier 2016

« Nous reconnaître tels que nous sommes » ? (R.P. Bruno OSB)

Dom Gérard OSB, prieur du Barroux


A la fin du « mot du supérieur général » (1er novembre 2015) du dernier bulletin Cor unum, Mgr Fellay donne quelques précisions aux membres de la Fraternité sur « la situation de l’Eglise et nos relations romaines ».

Bien des points seraient à commenter : « la sainte Eglise, malade, […] perdant chaque jour davantage son unité » (?) – « le pape […] se range plutôt du côté des progressistes » (vous croyez ?) – « la grâce de la fidélité à cette œuvre merveilleuse qu’est la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X »…
Relevons simplement ici ce qui nous paraît le plus important : Mgr Fellay, après avoir expliqué qu’« en juillet Rome a fait de nouvelles propositions pour une régularisation », affirme que « la condition sine qua non de notre acceptation » est l’expression « nous reconnaître tels que nous sommes ». Il en indique les « applications pratiques » : curieusement, il n’est question alors que de la messe et des sacrements (en résumé : « que Rome ne nous demande pas de participer à la nouvelle messe »), nullement des problèmes doctrinaux et de la nécessaire dénonciation des erreurs et des scandales.

La formule « nous reconnaître tels que nous sommes » ravive de douloureux souvenirs chez l’ancien du Barroux que je suis : Dom Gérard tenait le même langage en 1988, tout en insistant vigoureusement : « sans contrepartie, sans concession, sans reniement ». Et dans sa fameuse déclaration du 18 août 1988, il mettait les points sur les i : « Que nulle contrepartie doctrinale ou liturgique ne soit exigée de nous, et que nul silence ne soit imposé à notre prédication antimoderniste. » On sait, hélas ! ce qu’il est advenu de ces belles résolutions.

L’expérience nous enseigne que lorsque Rome dit : « On vous reconnaît tels que vous êtes », Rome pense en fait : « On vous reconnaît tels que vous serez », tels que vous allez, lentement mais sûrement, devenir (et peut-être pas si lentement). Rome prévoit avec raison qu’après un arrangement (qu’on lui donne le nom d’accord, de reconnaissance, de régularisation), le groupe qui s’est soumis à son autorité va évoluer ; surtout si l’évolution a déjà largement commencé… Rome sait bien que l’intégration des « intégristes » sera leur désintégration.

Prions pour que parmi les prêtres de la Fraternité, qui tous ont reçu ce texte de leur supérieur, quelques-uns au moins sauvent l’honneur, en s’opposant publiquement à cette dérive. Qu’ils aient le courage de dire bien haut : « Nous voulons rester tels que nous sommes, c’est pourquoi nous ne pouvons à aucun prix accepter que la Rome conciliaire nous reconnaisse tels que nous sommes. »

La vraie « condition sine qua non de notre acceptation », Mgr Lefebvre l’avait formulée de façon simple et lumineuse : que Rome recouronne Notre-Seigneur : « Quand on nous pose la question de savoir quand il y aura un accord avec Rome, ma réponse est simple : quand Rome recouronnera Notre-Seigneur Jésus-Christ. » (Conférence à Flavigny, décembre 1988.) En d’autres termes : que Rome le reconnaisse tel qu’il est : l’unique Roi, l’unique Dieu, l’unique Sauveur.

Nous en sommes bien loin aujourd’hui avec l’odieux syncrétisme du pape François, dont il a tout récemment donné une preuve supplémentaire par ses vœux de nouvel an.

Avant de « nous reconnaître tels que nous sommes », que Rome le reconnaisse tel qu’il est, lui, Notre-Seigneur Jésus-Christ.




Père Bruno